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27 juin 2011 1 27 /06 /juin /2011 21:41


Le seul mouvement que l’on pouvait déceler dans le vaste arc de cercle de la plage était celui d’un minuscule point noir à l’horizon. Tout était silencieux sur la colline de sable où Billy attendait patiemment son dernier rendez-vous avec Joshua. Il avait rencontré, il y avait un mois environ, un homme qui lui avait demandé deux faveurs. La première ne présentait aucune difficulté, elle était tout à fait réalisable. La seconde était devenue beaucoup plus complexe et il se disait qu’il faudrait agir avec plus de finesse.
Billy se remémora les dernières semaines jusqu’à ce que son esprit se fixe ce passage de sa vie où l’homme avait fait surface.
Il était difficile de se souvenir de chaque détail, pourtant tout était clair et lisse comme de la glace. Il faisait très chaud, une chaleur étouffante, l’été venait d’arriver et il portait un T-shirt rose, un jean noir et des tongs violettes. Billy s’était présenté à l’adresse qu’on lui avait transmise par téléphone. Il avait pris l’ascenseur jusqu’au 17e étage, porte à droite au fond d’un couloir dont les murs étaient couverts de publicités de toutes sortes.
– Je suis Billy, avait-il dit instinctivement
L’homme était vêtu d’un sweater gris pâle et d’un short.
– Je sais mon petit gars, assieds toi.
Il souriait. Billy s’était assis sans faire de commentaires sur le désordre qui s’était installé dans cette pièce toute bleue.
– Excuse-moi, je suis en plein déménagement…
– Vous changez de bureau ?
– Non, je change de métier.
Billy avait souri et avait pris une cigarette.
L’homme avait posé le dossier qu’il tenait et s’était assis face à Billy.
– Je connais chaque détail de ta vie, mon garçon, je sais que ton père travaille dans les assurances, que ta mère est infirmière, que tu es né avant le mariage de tes parents et que tu adores les séries policières à la télé !
– Vous enquêtez sur la vie des gens ?
– Sur toi en particulier…
Billy avait secoué la tête, cette remarque le mettait mal à l’aise.
– J’ai fait quelque chose qui vous dérange ?
– Tu m’intéresses, si je t’ai fait venir ici c’est parce que j’ai un travail pour toi. J’ai deux choses à te demander… J’ai un fils, Joshua, qui s’est marié il y a un an. Il est avec la célèbre cantatrice Claudia Santana.
– Connais pas !
– C’est une chanteuse d’opéra. Je pense qu’il la trompe. Il sort tous les soirs dans les bars, les discothèques où il rencontre sûrement de jeunes demoiselles. Il n’a pas vraiment enterré son ancienne vie. Mais, bien sûr, il sort uniquement quand elle part en tournée
– Bien sûr, il est très futé…
– Il y a une femme en particulier avec qui il sort après le travail, j’ai l’impression qu’ils sont plus que de bons copains, si tu vois ce que je veux dire.
– Bien sûr, je ne suis pas né de la dernière pluie.
– Je veux que tu suives mon fils et que tu m’amènes cette femme pour que je puisse discuter avec elle.
– Pourquoi vous ne le faites pas vous-même ?
– Je suis un homme occupé mon petit gars, je dois partir pendant quelques semaines et je préfère que ce soit toi qui le fasses. C’est ton travail après tout. Je veux juste que tu connaisses bien son visage et comment elle s’appelle, puis tu me l’amèneras, je te dirai où.
– Vous ne lui ferez rien ?
– Non, non ! Je le jure, je veux juste qu’elle s’éloigne de mon fils.
– OK, je le ferai.
LES JOURNÉES PASSÈRENT à une vitesse folle, mais jamais Billy ne pus apercevoir la femme en question. Il suivait Joshua partout, à la bibliothèque, à ses rendez-vous, en discothèque, dans les différents bars. Aucun résultat. Cette femme n’existait pas. Qui était-elle ? Où était-t-elle ?
Il se demanda même si tout cela n’était pas un coup monté, un truc pour lui faire perdre la tête. Mais il se rendit compte quand même de quelque chose. Joshua ne sortait qu’avec des hommes. « Il est peut-être homosexuel », cela le fit rire. « Quand il sort du travail, il est toujours seul, alors pourquoi se faire des idées ? »
Billy, bien évidemment, téléphonait régulièrement au père pour lui donner des nouvelles de l’enquête. Et lui dire par la même occasion qu’il n’y avait aucune trace de cette femme.
– Votre fils ne sort qu’avec des hommes… vous ne croyez pas que… enfin vous voyez ce que je veux dire non ?
– Ne commence pas avec tes sous entendus, je connais mon fils mieux que toi. Tu trouveras quelque chose. Elle existe, je l’ai vue comme je te vois. Peut-être qu’elle est souffrante et qu’elle ne va plus au travail.
– Peut- être qu’il ne la voit plus, tout simplement.
– On va faire comme ça. Continue encore une semaine, si dans une semaine tu ne trouves toujours pas cette dame, on arrête tout, ok ?
ASSIS SUR LA COLLINE DE SABLE, Billy fumait une cigarette l’air totalement perdu. Il se gratta la tête, se tortilla les poignets. En regardant les vagues rouler sur les coquillages et les rochers, une pensée se mit à sauter dans tous les sens à l’intérieur de son cerveau engourdi.
Il y a quelque chose qui cloche dans cette histoire se dit-il, cette femme, cette mystérieuse femme disparaît miraculeusement au moment où je la traque, ça ne colle pas, on me dit de la trouver et de l’amener mais comme par magie elle quitte tout à coup le navire. Quelqu’un l’a avertie. Billy s’immobilisa. Le fils venait de sortir de sa tanière. Il était accompagné de deux hommes habillés en costard l’air plutôt méchants garçons. Joshua, lui, ressemblait plutôt à un gros beatnik, certes, mais un beatnik marié.
En voyant un des méchants garçons sortir une arme et la donner à Joshua, Billy se cramponna, à moitié paralysé, à sa cigarette. Pitié que je ne me retrouve pas dans un film de gangster, se dit-il bêtement.
APRES AVOIR TRAVERSE LA COLLINE le plus discrètement possible, Billy se faufila dans sa voiture, une vieille Mercedes rouillée comme un clou et qui roulait à 3 Km à l’heure. Il faut absolument que je pense à changer de voiture, se dit il en allumant la radio, il y passait un vieux groupe des année 60, les Who, un vent de nostalgie balaya sa tête et disparut aussi soudainement qu’il était arrivé, quand la petite Twingo face à lui se mit à démarrer dans l’obscurité brûlante
La course dura près de deux heures quand enfin la petite voiture s’arrêta face à une clairière près d’une grande forêt. Billy tambourina sur le volant impatient qu’il se passe  enfin quelque chose. J’espère juste qu’il n’ont pas un cadavre dans le coffre, murmura-t-il, à moitié épuisé par cette longue journée  qui sûrement ne se finirait jamais.
Mais alors que ses yeux commençaient à s’éteindre doucement, deux femmes sortirent de la clairière pour entrer à l’arrière de la voiture, elles étaient pâles et avaient l’air aussi sot l’une que l’autre. Elles riaient toutes les deux d’un rire de hyène, dévastateur et hystérique. Ce ne fut que la troisième femme qui commença à sortir Billy de sa rêverie.
Elle était très belle, ses yeux étaient aussi brillants que les phares qui les éclairaient, elle portait un long manteau en velours. Elle entra aussi dans la voiture qui démarra de nouveau. Puis elle s’arrêta encore, au beau milieu d’une route. Billy se sentit repéré.
Mais quelque chose clochait.
Personne ne sortit de la voiture.
Les phares étaient éteints.
Le décor avait changé.
Des lumières tout autour s’allumèrent, des spots étaient placés à chaque extrémité de la grande route, Billy sentit la panique, cette étrange présence rugir dans ses oreilles. Ce n’était pas prévu.
La femme habillé chaudement sortit de la voiture et s’assit sur la route. Elle le fixait. Elle fixait Billy et de ses grands yeux verts, il sut qu’elle était la femme mystérieuse. Lentement. Calmement. Son visage se figea et elle s’allongea. Avant que Billy ne sorte de sa voiture pour y voir de plus près, ses yeux se fermèrent. Et son rêve recommença.
Il était assis sous un arbre et cet arbre criait comme une bête. Des centaines d’araignées tombaient comme des pommes sur le sol et sur tout son corps. Une personne était allongée par terre, Billy crut qu’elle était morte mais elle parlait.
– Aujourd’hui c’est mon anniversaire.
– Je sais répondit Billy.
– Un jour, tu seras à moi. Au moment où tu t’y attendras le moins, j’arracherai tes yeux et je les garderai pour moi.
– Je sais.
Ce rêve était ridicule et pourtant il ne le quittait pas
Joshua prit la femme dans ses bras tout en sortant le revolver.
Billy roula sur le ventre et se cacha derrière la voiture. Joshua s’approchait
 -Je suis désolé Billy, mais tu ne peux pas connaître tous mes secrets
-Je ne voulais pas rentrer dans ta vie
Joshua s’arrêta face à lui, et pendant un instant il le regarda avec méfiance, comme si à ce moment-là Billy était devenu la source de tous les problèmes du monde. Alors pour effacer toute cette haine qui s’était installée entre eux deux ; Joshua posa le revolver.
-Tu ne peux pas rentrer dans la vie des gens quand ça te chante. Ce serait trop facile. Je suis désolé.
– Je sais, répondit l’autre, en marchant, pour aller éteindre la vieille radio.
La musique s’arrêta, Billy éclata de rire. Cette fin était parfaite pour lui. Il faudrait peut- être qu’il se mette  à écrire, au lieu d’attendre dans sa voiture que Joshua se montre enfin.



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